Les savates du Bon Dieu

Références & influences

Références ( cinématographiques et littéraires ) | Influences (cinématographiques, littéraires, philosophiques et bédéphiles) | Liens anecdotiques

Références

Ces références correspondent aux éléments du film qui renvoient directement à d'autres œuvres cinématographiques ou littéraires.

Références cinématographiques

L'enfant sauvage (François Truffaut, 1970)

L'affiche du film se trouve à gauche au fond de la salle de classe

Dans ce film de 1970, François Truffaut interprète le personnage du Dr Itard, qui prouve par son acharnement qu'un « enfant sauvage » capturé dans une forêt de l'Aveyron en 1798 n'est pas un idiot irrécupérable, mais peut être éduqué et devenir un être intelligent doué de sensibilité.

Evidemment, on ne peut que faire le rapprochement entre cet enfant sauvage éduqué par le Dr Itard et Fred éduqué par Sandrine. Comme François Truffaut, Jean-Claude Brisseau croit à l'importance et la beauté de la culture et de sa transmission par l'éducation. La majorité de leurs films mettent en scène la jeunesse et rappelle le caractère pédagogique qu'entretien le cinéma pour les cinéphiles.

Stavisky (Alain Resnais, 1974)

L'affiche du film est celle du milieu au fond de la salle de classe.

Ce film de 1974 dresse le portrait d'Alexandre Stavisky, interprété par Jean-Paul Belmondo, qui déclenchera « l'affaire Stavisky », un des plus importants scandales de la IIIe République. Le film décrit la soif d'argent de Stavisky afin de paraître en société, argent qu'il gagnera par ses nombreuses escroqueries et qui le perdra.

C'est cette même volonté de paraître et les plaisirs de l'argent décrits par Miguel et Marouf à Fred dans le bar qui perdront ces deux jeunes.

Film dont l'affiche est à droite au fond de la salle de classe

On ne voit qu'une partie de l'affiche et je ne connais pas le film auquel elle correspond.

La famille Adams

L'affiche de ce film à gauche lorsque l'on regarde le fond de la salle de classe a été choisie, en partie, je pense, pour sa couleur bleue et est peut-être aussi un hommage au cinéma populaire, à la série B, voire la série Z.

L'arbre des souhaits

L'affiche de ce film à droite de la précédente se réfère à un film rare de Tengiz Abuladze (IMDb).

Le Mal Entendu

Je ne sais pas à exactement quoi correspond l'affiche à gauche du tableau dans la salle de classe qui semble être lié à Albert Camus (film, pièce de théâtre,...).

L'Ange noir (Jean-Claude Brisseau, 1994)

Dans la maison du Luberon, on voit Sandrine, Fred et Estelle regarder la scène du meurtre de L'Ange noir, le film que Jean-Claude Brisseau a tourné avant Les savates du Bon Dieu.

Casablanca (Michael Curtiz, 1943)

La phrase « Je sens, très cher, que nous vivons le début d'une très belle amitié » prononcée par Maguette à Di Frasso dans le château du Luberon se réfère à la dernière phrase de Casablanca.

Maurice Pialat

Je crois qu'une des photos (la plus grande) que l'on voit furtivement (presque de façon subliminale) dans le bar de la fusillade, derrière Fred, est une photo de Maurice Pialat.

Scènes de voiture des films hollywoodiens

Lorsque Sandrine, Fred et Maguette voyagent en voiture vers le Luberon, Brisseau fait probablement une référence aux plans de voitures des films américains réalisés par transparence où les conducteurs ne regardent pas la route (même si ce plan n'est pas réalisé avec cette technique). Dans cette scène, Fred ne conduit pas réellement (la voiture est sûrement posée sur une remorque) et Maguette lui dit : « Regarde devant toi petit ! »

Références littéraires

Le père Goriot (Balzac)

Le titre « Les savates du Bon Dieu » provient d'un dialogue du Père Goriot où Vautrin exprime à Rastignac son sentiment de la vie.

« Je ne vous parle pas de ces pauvres ilotes qui partout font la besogne sans être jamais récompensés de leurs travaux, et que je nomme la confrérie des savates du bon Dieu. Certes, là est la vertu dans toute la fleur de sa bêtise, mais là est la misère. Je vois d'ici la grimace de ces braves gens si Dieu nous faisait la mauvaise plaisanterie de s'absenter au jugement dernier. »

Ce texte est à rapprocher du dialogue entre Sandrine, Maguette et Fred lorsqu'ils arrivent dans le Luberon et s'assoient dans un champ de coquelicots. Sandrine demande à Maguette la signification du terme « savates du bon Dieu » qu'il a déjà employé plusieurs fois :

Sandrine :
Au fait, c'est quoi ce que vous appelez les savates du bon Dieu ?

Maguette :
J'appelle les savates du Bon Dieu tous ces pauvres ilotes...

Sandrine :
C'est quoi un ilote ?

Maguette :
Un pauvre ère, le dernier des derniers. J'appelle donc les savates du bon Dieu tous ces pauvres ilotes qui, partout dans le monde travaillent très dur et font le boulot sans jamais être récompensés de rien. En tant que prince, j'encourage profondément la vertu et son immense pilier : le bon Dieu. Toutefois, j'imagine déjà la grimace de ces brave gens si le jour du jugement dernier, ce bon Dieu là faisait la mauvaise plaisanterie de ne pas être au rendez-vous !

Maguette avait déjà employé le terme « savates du bon Dieu » deux fois :

Lors de la « pagaille » dans le lycée :

« Pour vous, je viens de faire deux choses très graves : me mouiller et semer la pagaille dans une accoucheuse pour savates du bon Dieu. »

Dans la voiture vers le Luberon :

« Tout le monde vole ! Evidemment, ni les saints, ni les savates du bon Dieu... encore que, par les temps qui courent... »

Après le dialogue dans le champ de coquelicots, Maguette utilisera encore une fois le terme lorsqu'ils arrivent au château de Lourmarin :

« Petite savate du bon Dieu, c'est pas un musée, c'est sa maison ! »

 

« Les savates du Bon Dieu » ou « Les savates du bon Dieu » ?

Balzac écrit « savates du bon Dieu », où « bon » n'a pas de majuscule, alors que Jean-Claude Brisseau a choisi de mettre une majuscule à « Bon » dans le titre du film « Les savates du Bon Dieu ».

Le dictionnaire « le ROBERT quotidien » indique dans la définition de « dieu » :
« le bon Dieu, expression familière et affective. Prier le bon Dieu. Recevoir le bon Dieu. -> communier; eucharistie. Mais qu'est-ce-que j'ai fait au bon Dieu ? se dit face à une situation vécue comme un châtiment de Dieu. »

Dans ces deux cas, « bon Dieu » n'est pas écrit avec une majuscule. On trouve néanmoins parfois l'autre orthographe.

Les fleurs du mal (Baudelaire)

Les vers prononcés par Fred dans la prison :

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils

sont les deux premières vers du poème L'ennemi des Fleurs du mal de Baudelaire.

Les vers que Fred cite sous l'arbre dans le jardin de la maison du Luberon :

En me penchant vers toi, reine des adorées,
Je croyais respirer le parfum de ton sang.

proviennent eux aussi d'un poème des Fleurs du mal  : Le balcon .

Paroles (Prévert)

Le poème écrit sur le tableau noir dans le jardin du Luberon est une version condensée du poème Cet amour  : vers 1, 4-11, 13-14, 63 (en remplaçant Oui par Cet amour ), 64-76, 78-79 et 81-84.

Celui que donne Fred à Sandrine lorsqu'elle se réveille dans la maison du Luberon est Alicante.

Ils sont extrait de Paroles de Jacques Prévert, et crédités au générique.

Voir aussi : Influences littéraires > Paroles.

Influences

De nombreuses influences recensées par Jean-Claude Brisseau et par la critique, qui s'en est donnée à cœur joie.

Influences cinématographiques

Sergent York (Howard Hawks)

« J'ai demandé à Stanislas Merhar de copier ses regards sur ceux de Gary Cooper dans Sergent York d'Howard Hawks. »
Jean-Claude Brisseau 1

Bonnie & Clyde, Les Pieds Nickelés et Tirez sur le pianiste

« Dans Les Savates..., je ne livre pas les clés du film au spectateur, on ne sait pas si le film penche du côté des Pieds Nickelés ou de Bonnie & Clyde »
Jean-Claude Brisseau 1

« avec un esprit à la manière des Pieds nickelés, et Tirez sur le pianiste de François Truffaut comme lointain modèle »
Jean-Claude Brisseau 13

Elemer Gantry, le charlatan (1960, Richard Brooks)

« Dans Les Savates du Bon Dieu (1998), j'ai voulu retrouver ma même chose avec mon personnage de marabout noir. Je l'ai écrit précisément avec ce personnage de Gantry en tête. Mais j'ai dû partiellement y renoncer, car cela impliquait toute une stylisation que seuls les acteurs américains, dont j'avoue être nostalgique, peuvent donner. »
Jean-Claude Brisseau 12

La Nouvelle Vague

« l'état d'esprit que je souhaitais dans la lignée de la Nouvelle Vague, le plus léger possible, est là - j'avais la nostalgie de la grâce de ces films. »
Jean-Claude Brisseau 5

Aladin et Merlin l'enchanteur

« J'ai essayé d'inclure un personnage, celui du "prince africain", plus proche du génie de la lampe d'Aladin - j'avais également en tête le modèle de merlin l'enchanteur de Disney - que d'un personnage réaliste »
Jean-Claude Brisseau 9

Bergman

« Pour moi, les femmes sont liées à une connaissance d'autrui et de la réalité plus forte que celle des hommes. Mais elles portent aussi une part de mystère et de pouvoir de manipulation. Ce sont des thèmes qu'on retrouve chez le Bergman des années 50. »
Jean-Claude Brisseau 4

Jean Rouch

« Car ce film bressonnien doit aussi beaucoup à J.Rouch. De ce point de vue, il est l'hommage le plus inattendu au plus grand des cinéastes, disparu juste avant l'an 2000.  »
Serge Le Peron 10

Vertigo

« un pauvre type, au sens littéral du terme, découvre le monde des riches qui lui a subtilisé celle qu'il aime, doublure manifeste de Kim Novak dans Vertigo , « trop belle pour lui » . »
Charles Tesson 2

Mélodrame hollywoodien

« un grand mélo parfaitement canonique, aussi triste qu'un Sirk et aussi optimiste, malgré tout, qu'un Capra. »
Olivier Séguret dans Libération 7

« sublime mélo hollywoodien, à mi-chemin des Amants du Capricorne et de la Comtesse aux pieds nus. »
Louis Skorecki dans Libération  11

Mélodrame noir avec couple en fuite

« Pour que le film devienne vraiment le mélodrame noir avec couple en fuite attendu (comme Gun Crazy de Joseph Lewis, High Sierra de Walsh, They Live by Night de Nicholas Ray, You Only Live Once de Lang...), il faut que l'homme admette qu'il s'agit bien d'un couple, qu'il l'identifie comme tel. »
Erwan Higuinen dans les Cahiers du cinéma 6

Ray, Sirk, Hitchcock

« référents nobles (Ray, Sirk, Hitchcock) »
Les Inrockuptibles 3

Minelli

« une horde de policiers figés dans un travelling minellien »
Olivier Séguret dans Libération 7

La vie est belle

« Maguette, un « ange noir » (c'est aussi le titre du film précédent du cinéaste) d'un nouveau type, héritier lointain de La vie est belle . »
Olivier Séguret dans Libération 7

Pasolini

« Fred, son héros premier, est autant un jeune homme juste (soit «un peu court») qu'un type très juste (c'est-à-dire qui a un sens absolu et presque mortel de la justice). C'est un pur à la manière pasolinienne et c'est aussi pourquoi, malgré quelques mois de taule, grâce lui sera finalement faite  »
Erwan Higuinen dans les Cahiers du cinéma 6

Bresson

« le procès traité avec une sécheresse quasi bressonnienne. »
Erwan Higuinen dans les Cahiers du cinéma 6

Sailor et Lula

« Les savates du Bon Dieu sont donc une sorte de Sailor et Lula à la française, où l'étoffe des filles va en finir avec l'irresponsabilité de notre héros. »
Heike Hurst (Fondu au Noir-Radio libertaire)
Sommaire du numéro 1197 du Monde Libertaire

La Femme d'à côté

« La grand-mère (Paulette Dubost) livre la morale aux contradictions souriantes du film, telle Véronique Silver dans La Femme d'à côté de Truffaut. »
Erwan Higuinen dans les Cahiers du cinéma 6

Roman-photo et films érotiques

« Dans le film de Brisseau, il y a ce moment où le héros découvre la maison des riches, selon des clichés établis par une culture du roman-photo qui répondent aux fantasmes ambigus d'un imaginaire collectif, celui d'un populisme démagogique propre à alimenter un mixte de rejet et d'envie (la Mercedes, la piscine, les femmes-mannequins, l'intérieur de la maison tout droit sorti du film érotique sur M6 du dimanche soir. »
Charles Tesson 2

Influences littéraires

La Tempête (Shakespeare)

« le personnage de Maguette pourrait sortir de La Tempête. »
Jean-Claude Brisseau 4

Paroles (Prévert)

Le dialogue entre Fred et Sandrine dans la maison du Lubéron semble directement inspiré par le poème Déjeuner du matin :

Extrait du dialogue des Savates du Bon Dieu :

Fred :
A ton avis, pourquoi elle est partie ? Qu'est-ce que j'ai fait de mal avec elle ?

Sandrine :
Dis moi ce que tu as fait depuis que t'es levé.

Fred :
Rien de spécial.

Sandrine :
Raconte moi quand même.

Fred :
Je me suis levé.
Je suis descendu.
J'ai pris un bol.
Je continue ?

Sandrine :
Bah oui.

Fred :
Avec tous les détails ?

Sandrine :
Avec tous les détails.

Fred :
J'ai pris un bol, du café.
J'ai mis le café dans le bol,
du sucre, du lait... dans le café
J'ai pris une petite cuiller.
J'ai tourné pour mélanger le sucre, le lait et le café.
Et j'ai bu petit à petit parce que c'est chaud.

Sandrine :
C'était pareil avec elle ?

Fred :
Ouais.

Sandrine :
Tu m'as même pas regardé.
D'ailleurs, tu regardes jamais personne.

Fred :
Et alors ?

Sandrine :
Tu m'as pas dit merci pour avoir tout préparé.
D'ailleurs je suis sûr que tu t'ai même pas rendu compte que j'ai tout préparé pour toit.
Depuis tout à l'heure, c'est vraiment comme si j'existais pas.
Tu penses qu'à toi.

DÉJEUNER DU MATIN

Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Avec la petite cuiller
Il a tourné
Il a bu le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler
Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder
Il s'est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis
Son manteau de pluie
Parce qu'il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder
Et moi j'ai pris
Ma tête dans ma main
Et j'ai pleuré.

Jacques Prévert, Paroles, Éditions Gallimard, 1949, p.147-148

Voir aussi : Références littéraires > Paroles.

Influences philosophiques

Christianisme, Freud et Marx

« Que j'aie des préoccupations mystiques, c'est évident. D'autant que j'ai eu une éducation catholique que je ne regrette pas du tout. Je suis chrétien, marxiste, en ce qui concerne l'analyse de la société, et freudien. Marx et Freud considèrent qu'il y a un inconscient social, que l'analyse ne doit pas s'arrêter à la conscience qu'on a de soi-même. Je relisais par hasard la première partie du Manifeste du parti communiste : ça s'applique exactement, mot pour mot, à ce qui est en train de se passer aujourd'hui dans le monde. »
Jean-Claude Brisseau 3

voir aussi les thèmes « Fric  » et « Lutte des classes  »

La Pesanteur et la Grâce (Simone Weil)

Si par excès de faiblesse, on ne peut ni provoquer la pitié, ni faire du mal à autrui, on fait du mal à la représentation de l'univers en soi.
SIMONE WEIL, La Pesanteur et la Grâce

cité en exergue dans l'article de Claire Vassé dans Positif 8

Influences bédéphiles

« Dans Les Savates , je ne livre pas les clés du film au spectateur, on ne sait pas si le film penche du côté des Pieds Nickelés ou de Bonnie & Clyde  »
Jean-Claude Brisseau 1

Liens anecdotiques

Alice et Martin (André Téchiné)

Le thème musical Elévation de Philippe Sarde utilisé dans Les savates du Bon Dieu a été créé pour ce film.

Un jeu brutal (Jean-Claude Brisseau)

« Maguette Salla », le nom que donne Brisseau au père de « Maguette Fortuno Wamba », était le nom du perchman sur Un jeu brutal , le film qu'il a réalisé en 1983.


1. Jean-Claude Brisseau et Thomas Cazals, sous la peau de l'ours , « Crash », n°11, mars 2000, p. 57

2. Charles Tesson, Un poids, des mesures , « Cahiers du cinéma », n°544, mars 2000, p. 23

3. Amère victoire , « Les Inrockuptibles », 7mars 2000

4. Jean-Claude Brisseau et Serge Kaganski, Jean-Claude Brisseau - La guerre n'est pas finie , « Les Inrockuptibles », n°233, 8 mars 2000

5. Jean-Claude Brisseau, Baptiste Piégay et Charles Tesson, Fred, c'est moi , « Cahiers du cinéma », n° 544, mars 2000, p. 29

6. Erwan Higuinen, Les savates du Bon Dieu , «Cahiers du cinéma», n° 544, mars 2000, p. 30-31

7. Olivier Séguret, Un tableau de Brisseau , « Libération », 8 mars 2000

8. Claire Vassé, La pesanteur et la grâce , « Positif », n° 469, mars 2000, p. 35 et 36

9. Entretien avec Jean-Claude Brisseau dans le dossier de presse des Savates du Bon Dieu

10. Texte de soutien de l'acid

11. Louis Skorecki, le film , « Libération », mercredi 3 juillet 2002

12. Vidéo test , « Repérages », n° 39, mai 2003, page 90.

13. Jean Michel Frodon , Le parcours d'un combattant « Le Monde », 8 mars 2000.